Même si la succession est un sujet parfois délicat à aborder, il est cependant indispensable d’en parler, et même de l’organiser de son vivant. D’autant qu’en France, les droits de succession sont parmi les plus élevés d’Europe.

Par conséquent, il est judicieux de prendre les dispositions nécessaires pour favoriser au maximum ses héritiers et éviter, le moment venu, que ceux-ci se retrouvent trop fortement pénalisés par la taxation du patrimoine transmis. Divers mécanismes existent pour se prémunir contre la fiscalité successorale, dont le démembrement de propriété.

Rappels sur le régime des droits de succession

Avant d’aborder des solutions pour optimiser la transmission du patrimoine, il convient au préalable de rappeler les principes de base du régime successoral français. Tout d’abord, il faut souligner que le conjoint survivant est exonéré de droits de succession. Cette règle peut s’appliquer aussi au partenaire de Pacs, à condition que celui-ci ait été désigné expressément sur un testament. Ceci ne veut pas dire que l’époux ou partenaire de Pacs du défunt hérite de la totalité de son patrimoine, mais il ne paye pas d’impôt sur la partie qui lui revient.

Autre règle importante

Les enfants bénéficient chacun d’un abattement de 100 000 €. Si les parents décèdent simultanément, cet abattement s’applique à chacun d’eux et tout enfant du couple peut donc hériter d’un patrimoine équivalent à 200 000 € exonéré de droits de succession. Le système de succession en France avantage fortement les héritiers directs. Par contre, les règles sont beaucoup plus strictes pour les frères et sœurs, neveux et nièces, petits-enfants… et les abattements réduits à seulement quelques milliers d’euros selon le lien de parenté.

Récapitulatif des principaux abattements sur la succession

Les abattements sur la succession varient selon le lien de parenté entre le défunt et le bénéficiaire :

LIEN FAMILIAL ABATTEMENT 
Enfants 100 000 € 
Frères et sœurs 15 932 € 
Neveux et nièces 7 967 € 
Petits-enfants 1 594 € 
Arrières petits-enfants 1 594 € 

Après application des abattements, voici le barème des droits de succession en ligne directe :

TRANCHE DE PATRIMOINE TRANSMIS DROITS DE SUCCESSION
jusqu’à 8 072 € 5%
8 072 € à 12 109 € 10%
12 109 € à 15 932 € 15%
15 932 € à 552 324 € 20%
552 324 € à 902 838 € 30%
902 838 € à 1 805 677 € 40%
Au-delà de 1 805 677 € 45%

Après application des abattements, voici le barème des droits de succession dans les autres cas :

TRANCHE DE PATRIMOINE TRANSMIS DROITS DE SUCCESSION
Frères et sœurs
Jusqu’à 24 430 € 35%
Supérieure à 24 430 € 45%
Autres parents jusqu’au 4ème degré de parenté 55%
Au-delà et non parents 60%

Rappels sur le principe du démembrement de propriété

Le démembrement peut s’appliquer à tout titre de propriété, qu’il s’agisse d’un actif financier, de parts de société ou de biens immobiliers.

Si l’on se concentre sur l’aspect immobilier, le démembrement permet de scinder la pleine propriété d’un bien en deux sous-ensembles :

  • Nue-Propriété: pour simplifier, il s’agit de la détention des murs du bien. C’est la notion d’abusus, c’est à dire le droit de disposer du bien, de le céder ou de le détruire. Il s’agit dans les faits du principal droit que détient habituellement le propriétaire.
  • L’usufruit : c’est le droit d’usage, d’occupation du bien – usus -, et la possibilité d’en percevoir les fruits – fructus -, c’est à dire en tirer des revenus dans le cas où le bien est mis en location.

Il existe 2 types de démembrements : le démembrement temporaire et le démembrement viager.

Le démembrement temporaire : il s’effectue généralement ab initio dans le cadre d’un investissement par deux parties distinctes : le bien ou les titres sont démembrés préalablement à leur acquisition effectuée de façon séparée mais simultanée par l’usufruitier et le nu-propriétaire.
Exemple : le démembrement ab initio est très utilisé en SCPI où un usufruitier et un nu-propriétaire vont s’entendre sur une quantité de parts et un partage de la valeur des parts, aussi appelé clé de répartition. Chacun va se porter acquéreur de la partie qui l’intéresse. C’est une opération qui s’effectue généralement sur une durée fixe, temporaire, à l’issue de laquelle le nu-propriétaire récupère la pleine propriété.

Le démembrement viager : il est utilisé habituellement dans le cadre familial, afin de faciliter la transmission patrimoniale.

contrat de démembrement, usufruit et nue propriété

Le démembrement, véritable outil de transmission patrimoniale

Le plein propriétaire d’un bien peut procéder à un démembrement immobilier afin de préparer sa succession. Ce mécanisme de démembrement permet au propriétaire de transmettre une « partie » de son bien en profitant des abattements disponibles, qui sont identiques en cas de succession et de donation, tout en continuant à utiliser son bien comme il le souhaite. 

En effet, la transmission d’un bien peut se faire partiellement. Dans le cas d’une résidence principale par exemple, les parents peuvent transmettre la nue-propriété à leurs enfants et conserver seulement l’usufruit.

En tant qu’usufruitiers, ils peuvent alors continuer à vivre dans leur demeure comme ils l’ont fait jusqu’au démembrement. En donnant la nue-propriété à leurs héritiers directs, ils profitent ainsi des abattements sur les droits de donation tout en commençant à transmettre leur patrimoine de leur vivant.

Il est important de noter qu’au décès de l’usufruitier, ses droits sont automatiquement remis entre les mains du nu-propriétaire, sans aucun droit de succession.

L’évaluation de la valeur de la nue-propriété et de l’usufruit dans le cadre d’une donation s’effectue selon un barème légal basé sur l’âge de l’usufruitier au moment du démembrement et de la donation. Ainsi, plus la transmission de la nue-propriété d’un bien s’effectue tôt, plus elle sera intéressante. 

Exemple

Prenons le cas d’un bien immobilier estimé à 200 000 €. Si les parents usufruitiers ont 68 ans au moment où ils effectuent une donation de la nue-propriété à leurs 2 enfants, celle-ci sera évaluée à 60% de la valeur de la pleine propriété, ce qui revient à transmettre l’équivalent de 120.000€. Chaque enfant reçoit ainsi une donation de 60 000 €.

Les 80 000 € théoriques équivalents à l’usufruit seront transmis aux enfants au moment de la succession, en franchise totale de droits de succession.

Le démembrement est donc un atout à ne surtout pas négliger pour toute personne souhaitant organiser sa succession et éviter que les héritiers ne soient pénalisés par la fiscalité des droits de succession. Il peut permettre de substantielles économies et éviter ainsi, comme c’est malheureusement souvent le cas, que les héritiers, le moment venu, soient obligés de céder un actif pour solder la succession.